Le principe de l’attribution

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 Cette vidéo est le reflet d’une expérience classique en psychologie que l’on doit initialement aux travaux novateurs de Heider et Simmel [1].
 Qu’avez-vous vu lorsque l’on vous avez regardé cette vidéo ?

Si en regardant cette courte séquence, vous avez été capables, comme la plupart des individus, de décrire des petites scénettes mettant en scène les deux triangles et le rond – comme lorsque, par exemple, le grand triangle, en colère, chasse brutalement de chez lui un intrus (le petit triangle) ou qu’il le poursuit – cela signifie que vous n’avez pas pu vous empêcher d’attribuer automatiquement des états mentaux à des formes géométriques sur un écran.

  • En fait, dans ce film d’animations, les figures géométriques se déplacent en mouvements totalement aléatoires  !!
  • Les sujets attribuent donc des actions aux figures (attaquer, poursuivre) alors que les déplacements sont réalisés au hasard… [2]
L’expérimentation de Heider et Simmel [1944] montre que nous avons tendance, le plus souvent, à effectuer une unité dans la relation entre l’acteur et son acte.
Nous formons spontanément des attributions (nous donnons des explications) même lorsque ceci n’est pas justifié.
  • D’après Fritz Heider, notre besoin d’attribution s’expliquerait par notre souci de cohérence dans un monde incertain et instable par nature.
  Faut-il s’émouvoir de cette situation ?
  • Certains philosophes peuvent s’offusquer du fait que nous soyons capables d’attribuer des états mentaux à des objets inanimés.
  • Pourtant comme le montre des travaux récents en philosophie expérimentale, la plupart des individus sont prêts à attribuer un prédicat psychologique (« calculer ») à un ordinateur, et cela de façon littérale [2].
 → À quand le jour où nous considèrerons qu’un robot est capable d’exprimer un sentiment ou une émotion véritable ?

[1] Heider F. et Simmel M., An experimental study of apparent behavior, American Journal of Psychology, vo. 57, 1944, p. 243-259.

[2] La question précise est : Certains ordinateurs peuvent calculer. Vrai ou faux ? Pour un compte rendu précis, voir l’ouvrage de Florian Cova (2010).

[3] On peut objecter cependant que si la séquence est bien le fruit du hasard, elle a été choisie à dessein par l’expérimentateur (Heider). Elle est donc moins hasardeuse qu’il y paraît… Cette remarque ne change cependant pas le résultat : nous cherchons de façon systématique à interpréter les choses. Dans le célèbre tableau de René Magritte, nous sommes ainsi dérangés par l’affirmation « Ceci n’est pas une pipe » alors que nous voyons une pipe !! Mais, de fait, Magritte dit juste : il a peint une représentation d’une pipe…