L’argent fait-il le bonheur ?

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Le credo principal des économistes est que le bien-être d’une société provient de l’accumulation des richesses [1].
  • D’après l’approche économique, la richesse matérielle est toujours désirée (comme en témoigne l’hypothèse standard de non satiété). Elle augmente la satisfaction (l’utilité) des consommateurs et donc le bien-être collectif.
  • C’est en vertu de ce credo que le discours sur la croissance économique s’est révélé aussi fondamental au sein des sociétés industrielles [2].

En 1974, un économiste américain, Richard Easterlin, croise les données sur l’augmentation des richesses dans les différents pays du monde et la satisfaction moyenne déclarée par un échantillon représentatif d’individus dans chacun de ces pays (qui constitue une mesure subjective du « bonheur »).

  • Le paradoxe d’Easterlin (1974) montre ainsi qu’il n’y a pas de correspondance explicite entre l’évolution du pouvoir d’achat des agents et leur niveau de satisfaction déclarée [3].

  • Autrement dit, « l’argent ne fait pas le bonheur !!! »

Le paradoxe constitue une véritable révolution en économie !!

  • L’économie du Bonheur, le Happiness, née avec les travaux d’Easterlin, représente aujourd’hui un courant montant en économie, le prix Nobel 2002 Daniel Kahneman ayant notamment rejoint ses rangs [4] [5] [6].

Signe des temps (heureux ?), l’Organisation des Nations Unies a décrété en 2012 que le 20 mars serait la « Journée mondiale du Bonheur » !

  [1] À la naissance de l’Économie Politique au 18ème siècle, dans le contexte de la Révolution Industrielle, la préoccupation principale des auteurs classiques (Adam Smith, David Ricardo, etc.) est bien d’accroître la production industrielle, ce qui se justifiait à l’époque. Le point de vue est cependant plus contestable aujourd’hui dans la mesure où les besoins fondamentaux sont assurés pour le plus grand nombre.

 [2] En raison cependant de la crise sociale, écologique, environnementale, humaine, etc., que nous ressentons avec force depuis le début des années 2020 (crise du covid, guerres en Ukraine, conflit au proche-orient, etc.), ce credo est mis à mal.

 [3] En particulier, dans les pays industrialisés, depuis 50 ans, les richesses ont été multipliées par 6 tandis que l’indicateur de « bonheur » a stagné. De même, dans certains pays pauvres, les individus se déclarent aussi heureux que dans les pays industrialisés les plus riches.

 [4] Pour un aperçu plus complet, consultez l’ouvrage de Lucie Davoine, Economie du Bonheur, La Découverte, 2012. Voir également l’ouvrage de Richard Layard, Le prix du Bonheur – Leçons d’une science nouvelle, A. Colin, 2007. Pour une approche récente et extensive, consultez les nombreux travaux de Claudia Senik sur ce sujet, par exemple, Bien-être au travail : ce qui compte, Presses de Sciences Po, juin 2020. Voir aussi son analyse récente des effets de l’inflation sur le sentiment de bien-être des français.

 [5] Voir également le travail de Diane Coyle, The Economics of Enough, Princeton University Press, 2011.

[6] Pour une discussion récente sur le bonheur chez les économistes, consultez cette archive audio.